MEDIATOR 150 mg
Combien de morts ?
Irène Frachon
Editions-dialogues.fr, 2011
Disponible également en version numérique avec code 2D
Combien de morts ?
Irène Frachon
Editions-dialogues.fr, 2011
Disponible également en version numérique avec code 2D
Notre avis :
Irène Frachon, qui est médecin des hôpitaux spécialiste de pneumologie est une femme de cran, qui a résisté à diverses pressions pour mettre en lumière un scandale sanitaire dont elle était témoin. Elle a écrit son parcours pour lancer la sonnette d'alarme et révéler la toxicité grave liée à un médicament dont le nom est maintenant tristement célèbre : le MEDIATOR, cet amphétaminique adjuvant du régime chez les diabétiques et qui fut souvent utilisé par les "maigrisseurs". "Du fait de sa diffusion en France quasi exclusivement, de ses indications officielles plutôt hypocrites (efficacité non démontrée), il a échappé au nettoyage (salutaire !) des anorexigènes amphétaminiques en 1999. Il ne faut donc pas s'étonner que les effets indésirables notifiés avec cette molécule soient ceux que l'on peut attendre avec un amphétaminique : plusieurs cas de confusion, de désorientation, de bouffées délirantes, d'hypertension artérielle pulmonaire, un cas de dépendance et un de dopage. Bien entedu, compte tenu de la sous-notification, on peut supposer que le nombre de cas survenus est largement supérieur au nombre de cas notifiés".
En septembre 2009, l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, Afssaps (aujourd'hui changée en ANSM), annonçait enfin la suspension de l'autorisation de mise sur le marché (AMM) du Mediator. Depuis plus de 30 ans, ce médicament était consommé quotidiennement par près de 300 000 français. La décision a suivi la révélation de la toxicité liée au médicament : atteinte des valves cardiaques, aux conséquences parfois mortelles.
Irène Frachon raconte comment elle a été témoin pendant vingt ans, puis actrice de cet épisode dramatique. Elle a voulu témoigner parce que la transparence est pour elle une condition de la qualité de la politique de santé des populations. Elle souhaite ainsi faire comprendre comment certaines décisions de santé publiques sont prises en France et ainsi contribuer au débat public, constitutif de l'exercice de la démocratie.
Extrait :
"La seule personne que je croise régulièrement est un visiteur médical du laboratoire Servier. Jeune homme bien élevé, il croit sincèrement à son métier. Je me fais un plaisir, déclinant son offre, de l'inviter moi-même à boir un petit jus à la cafétéria de l'hôpital. J'apprends qu'il est en charge, entre autres, de la promotion du Mediator. Je lui parle de nos préoccupations, il est très vaguement au courant mais a simplement reçu comme instructions de ne plus présenter la molécule à Brest, sans explications. Ces consignes de discrétion seront diffusées à l'ensemble de l'hexagone, courant 2009."
...
"Après ce huis clos quand même tendu, je tente la petite bière à la cerise au comptoir des Bons Vivants, à onze heures du matin. Je n'aurais pas dû, ça ne passe pas très bien. Grégoire n'a pas l'air non plus dans son assiette. Il est pressé et doit reprendre vite un vol pour Monaco. Je lui renvoie un petit SMS dans la soirée, "Ca va, Greg' ?" Je suis étonnée par sa réponse : "Bof, jusqu'ici, tous mes travaux étaient publiés et à dire vrai, sans que je me soucie trop de leur impact. Là, c'est tout à fait différent." Je souris, il fallait bien qu'il se rende par lui-même à l'Afssaps pour réaliser. Réaliser la pression, le fait que nous serons exposés, attaqués et je le pressens, utilisés si besoin comme boucliers humains face à la firme. Je le rappelle aussitôt et notre discussion, de vive voix, prend un tour grave, plus profond, nous parlons de nos engagements de vie.
"Le lendemain, nouveau texto de Grégoire, toujours coincé à Monaco : "Je suis dans la salle du symposium Servier. Sur l'écran défile en boucle, tel un gimmick, le slogan du laboratoire "La sécurité est notre priorité". Ca fait tout drôle..."
En septembre 2009, l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, Afssaps (aujourd'hui changée en ANSM), annonçait enfin la suspension de l'autorisation de mise sur le marché (AMM) du Mediator. Depuis plus de 30 ans, ce médicament était consommé quotidiennement par près de 300 000 français. La décision a suivi la révélation de la toxicité liée au médicament : atteinte des valves cardiaques, aux conséquences parfois mortelles.
Irène Frachon raconte comment elle a été témoin pendant vingt ans, puis actrice de cet épisode dramatique. Elle a voulu témoigner parce que la transparence est pour elle une condition de la qualité de la politique de santé des populations. Elle souhaite ainsi faire comprendre comment certaines décisions de santé publiques sont prises en France et ainsi contribuer au débat public, constitutif de l'exercice de la démocratie.
Extrait :
"La seule personne que je croise régulièrement est un visiteur médical du laboratoire Servier. Jeune homme bien élevé, il croit sincèrement à son métier. Je me fais un plaisir, déclinant son offre, de l'inviter moi-même à boir un petit jus à la cafétéria de l'hôpital. J'apprends qu'il est en charge, entre autres, de la promotion du Mediator. Je lui parle de nos préoccupations, il est très vaguement au courant mais a simplement reçu comme instructions de ne plus présenter la molécule à Brest, sans explications. Ces consignes de discrétion seront diffusées à l'ensemble de l'hexagone, courant 2009."
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"Après ce huis clos quand même tendu, je tente la petite bière à la cerise au comptoir des Bons Vivants, à onze heures du matin. Je n'aurais pas dû, ça ne passe pas très bien. Grégoire n'a pas l'air non plus dans son assiette. Il est pressé et doit reprendre vite un vol pour Monaco. Je lui renvoie un petit SMS dans la soirée, "Ca va, Greg' ?" Je suis étonnée par sa réponse : "Bof, jusqu'ici, tous mes travaux étaient publiés et à dire vrai, sans que je me soucie trop de leur impact. Là, c'est tout à fait différent." Je souris, il fallait bien qu'il se rende par lui-même à l'Afssaps pour réaliser. Réaliser la pression, le fait que nous serons exposés, attaqués et je le pressens, utilisés si besoin comme boucliers humains face à la firme. Je le rappelle aussitôt et notre discussion, de vive voix, prend un tour grave, plus profond, nous parlons de nos engagements de vie.
"Le lendemain, nouveau texto de Grégoire, toujours coincé à Monaco : "Je suis dans la salle du symposium Servier. Sur l'écran défile en boucle, tel un gimmick, le slogan du laboratoire "La sécurité est notre priorité". Ca fait tout drôle..."